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La grève est un droit. Se déclarer gréviste n’est pas une obligation
Ni avant, ni après la grève
vendredi 3 février 2023
Peut-on ou pas se mettre en grève ?
Le droit de grève est constitutionnellement garanti aux agents de l’État en vertu du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Selon la Cour de cassation, c’est un droit individuel ouvert sans condition à tout salarié, qui s’exerce collectivement (un salarié seul ne peut pas valablement se mettre en grève, il faut être au moins deux), sauf abus (certaines formes de grève sont illégales) afin de faire aboutir des revendications non encore satisfaites. C’est un droit de nuire à l’employeur.. Dans la fonction publique, dès lors qu’une organisation syndicale a publié un mot d’ordre de grève, soit national, soit au plan local ou académique, tout agent concerné par ce mot d’ordre, adhérent ou non à cette organisation, titulaire ou non, est en droit de faire grève.
Il est nécessaire qu’un préavis de grève ait été déposé cinq jours auparavant par une organisation syndicale [1], mentionnant la durée, les motifs et les catégories d’agents concernées. Des négociations doivent être ouvertes par l’employeur pendant ce préavis. Faute de préavis régulier, l’absence au poste de travail sans justification fournie rapidement par l’agent peut être considérée comme une absence injustifiée, voire un abandon de poste. Quitter son poste sans autorisation préalable n’est sinon possible qu’en exerçant son droit de retrait en cas de danger imminent. (voir fiche pratique spécifique au droit de retrait , ici ).
Est-ce une obligation de se déclarer gréviste ?
Il n’existe pas, pour les personnels de l’enseignement supérieur et la recherche publics, d’obligation de déclaration des intentions de grève comme c’est le cas dans l’enseignement primaire ou les services de transport public de voyageurs.
Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l’administration de procéder au dénombrement des grévistes. Il s’agit donc pour elle d’une simple faculté, qu’une circulaire de 2003 l’invite à mettre en oeuvre. Il n’existe pas non plus de disposition législative ou réglementaire faisant obligation aux agents publics de se déclarer grévistes, donc de répondre à une question du type : "êtes-vous en grève ?"
La sanction financière n’est donc pas systématique en cas de grève. (Remarquons que dans les entreprises privées, auxquelles nombre de présidents aiment actuellement comparer leurs établissements, le paiement de tout ou partie des jours de grève fait parfois partie des éléments obtenus à l’issue des négociations).
Le recensement des grévistes
Au-delà de l’intention de procéder au retrait sur traitement, l’administration cherche à recenser les grévistes afin de constituer des statistiques dont elle use de diverses manières, en particulier pour informer le ministère sur le nombre de grévistes. La circulaire de 2003 donne quelques précisions sur le recensement :
- Il doit se dérouler « dans la plus grande transparence » : information accessible pour que les personnels puissent vérifier individuellement leur inscription
- « Les personnels recensés à tort comme grévistes pourront apporter la preuve, par tous les moyens à leur disposition, qu’ils ont normalement accompli leur service pendant la durée de la grève. (Conseil d’État, jurisprudence Kornprobst, 15-12-1967) ». Or, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la grève ne se présume pas ; renversant la charge de la preuve, la circulaire présente ce recensement comme établissant une présomption de grève, les agents estimant avoir été recensés à tort pouvant apporter la preuve contraire ! Mais, outre que la légalité de ces dispositions est très douteuse, il ne s’agit que d’une circulaire, dépourvue de toute valeur réglementaire.
- La circulaire se borne à demander le recensement des personnels absents ou grévistes déclarés mais ne dit pas aux services comment faire ce recensement des grévistes déclarés. Les moyens utilisés pour ce faire ne peuvent être valablement mis en œuvre que dans la mesure où ils n’ont ni pour objet, ni pour effet, de porter atteinte aux libertés fondamentales ou aux droits que tiennent les agents de leur statut [2].
- Le seul devoir des responsables administratifs − du moins de celles et ceux qui ne feraient partie des grévistes [3] − est donc de constater les absences au poste le jour de la grève et de demander ensuite aux personnes concernées de fournir une justification (étant précisé que la grève ne vaut pas justification d’absence...). C’est l’absence non justifiée qui fonde la retenue sur le traitement (voir ici pour plus d’information sur les retenues de traitement).
- L’envoi après la fin de la grève de formulaires pour se déclarer grévistes rend matériellement impossible la transmission rapide de données sur le taux de grévistes, dont la mesure n’a d’intérêt que durant la grève. Cette pratique doit donc être refusée. En toute logique, le nombre de collègues finalement soumis à une retenue ne peut excéder le nombre de grévistes transmis au ministère le jour de la grève…. Il n’y a donc aucune obligation non plus de répondre à un courriel générique envoyé à tous les personnels le lendemain de la grève, demandant (en substance) à celles et ceux qui étaient grévistes de bien vouloir venir se signaler. Par contre, si un courriel vous est envoyé personnellement, en vous demandant de bien vouloir justifier votre absence constatée le jour de la grève, ce n’est pas la même chose, cela correspond bien à la consigne de la circulaire de demander la justification de l’absence. Et que vous y répondiez en disant que vous avez effectivement été gréviste, ou que vous ne répondiez pas et ne justifiiez donc pas votre absence, la conséquence financière sera la même. L’absence totale de justification est à éviter, car elle est de surcroît de nature à vous faire risquer d’autres ennuis pour abandon de poste (sous forme de mesures disciplinaires).
Voir en ligne : Plus d’infos sur les droits des personnels
[1] représentative dans le périmètre des agents concernés
[2] Dans le cas contraire, les agents seraient fondés à recourir au contrôle du juge administratif
[3] ce qui serait parfaitement leur droit aussi pourtant, si les raisons de la grève leur semblent justes, puisque nous sommes toutes et tous des salarié⋅es ayant un droit de grève reconnu constitutionnellement