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La santé (mentale) au travail, une question individuelle ?

lundi 18 novembre 2024

Votre travail vous stresse ? Vous avez l’impression que c’est parce que vous manquez de collègues pour partager les tâches qui s’accumulent ? Ou que c’est lié à tous les tableurs à remplir sans cesse pour justifier de votre activité ou pour obtenir des moyens pour pouvoir simplement travailler ? Ou aux logiciels qui vous sont imposés et ne fonctionnent pas correctement ? Que nenni ! C’est sûrement de votre faute, parce que vous ne faites pas assez de sport !

C’est en tous cas l’impression qu’on peut ressentir à la lecture de l’invitation aux personnels à participer aux animations des semaines de la santé mentale (qui se sont tenues en octobre dernier), proposant entre autres d’éprouver les bienfaits de la marche sur l’équilibre nerveux ou de participer à des conférences sur le lien entre bien-être mental et activité sportive.
Dans au moins une composante de l’université, les personnels se sont également vu proposer depuis deux ans des activités de yoga, de méditation sur l’heure de pause méridienne, voire parfois des massages shiatsu, dans les locaux de la composante.

Entendons-nous bien : face à l’augmentation des problèmes de santé au travail à l’université de Lille, la direction cherche des solutions et c’est tout à son honneur. D’autre part, la FSU est favorable à la proposition d’activités sportives aux personnels par l’employeur, pour favoriser l’épanouissement individuel des collègues, leur socialisation en dehors du service d’affectation. La pratique d’une activité physique régulière est également un élément de prévention en matière de santé, donc c’est bon pour les individus et par ricochet bon pour leurs collègues, et pour le budget de l’université ! Par ailleurs, avoir la possibilité de pratiquer des activités sportives à l’université permet d’éviter des frais importants d’inscriptions dans des salles de sport ou clubs privés, ce qui est un avantage non négligeable compte tenu des niveaux de rémunération en vigueur dans la Fonction publique...

Ces initiatives en faveur de la santé mentale des personnels montrent que celle-ci est devenue un sujet de préoccupation de la direction actuelle de l’université. Cette dernière fait donc probablement le même constat que la FSU, à savoir qu’une part grandissante des personnels sont fragilisés nerveusement et/ou psychologiquement. De fait, les indicateurs de santé au travail à l’université de Lille se dégradent. Les raisons en sont multiples, et les reculs successifs de l’âge de départ en retraite depuis 2003 n’y sont sûrement pas étrangers. Mais les facteurs principaux sont, selon la FSU, les dégradations des conditions de travail ainsi que les suppressions d’emplois imposées par des dotations insuffisantes pour exercer les missions de service public de l’établissement. Et pas un manque d’activité physique des personnels qui serait plus important qu’auparavant. L’équipe militante de la FSU connaît nombre de personnels de l’établissement pratiquant déjà une activité sportive régulière conforme ou supérieure aux préconisations santé publique. Mais cela ne les empêche pourtant pas d’être régulièrement au bord du surmenage (ou en plein dedans !), ou en état de souffrance en raison de tensions dans les collectifs de travail.

Même si elle ne le dit pas exactement comme cela, la direction de l’université de Lille reconnaît que le SNESUP-FSU et la FSU ont raison en dénonçant (localement comme nationalement) les budgets de misère et les restructurations universitaires incessantes, qui exposent les personnels à la redoutable injonction contradictoire du travail empêché, source majeure bien identifiée de souffrance au travail :

Le contexte national (sanitaire, social, financier) et les transformations institutionnelles de l’Université de Lille, depuis 2018 ont eu un coût social important, qui se traduit par un doublement entre 2020 et 2022 du taux d’arrêts de travail et une perte de sens pour nombre des personnels. La volonté de lutter contre une morosité trop souvent ambiante explique la priorité accordée à l’excellence sociale et l’accent plus spécifique sur la prévention des risques psycho-sociaux (RPS) et des risques de santé liés au travail.

C’est ce qu’elle a écrit dans le contrat d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) conclu entre le ministère et l’université de Lille pour la période 2023-2025 (et que le ministère ne conteste donc apparemment pas, puisque ledit contrat a été signé). Ce contrat prévoit en conséquence une dotation spécifique de 905 000 € (à répartir sur 3 ans) pour des actions de mise en place d’« un environnement assurant le bien-être des personnels par la santé au travail », dont des recrutements pour le service de santé au travail (2 infirmier⋅es, 1 psychologue), et des actions de santé par le sport.En savoir plus

Mais sans perspective d’amélioration du contexte de travail, ces dispositifs conduisent finalement à une forme de responsabilisation exclusive de l’individu dans la gestion de son stress au travail, et constituent des moyens de gestion a posteriori de problèmes de santé liés à la dégradation des conditions de travail. Il s’agit d’une réponse individualisante à un problème d’ordre collectif, qui ne pourra suffire à le résoudre. En effet, la consultation individuelle d’un⋅e psychologue permet peut-être de « vider son sac », ou la pratique d’une activité sportive de « se défouler » , mais cela n’apporte en général pas de réponse aux dysfonctionnements, qui persistent donc...

Le financement d’une recherche-action (enquête RPS menée par une équipe de recherche de l’université) est également prévu dans le COMP. Les résultats en seront probablement importants pour une connaissance plus fine des problèmes, mais n’apporteront pas de réponse auxdits problèmes non plus.

L’action de prévention primaire la plus efficace reste donc, selon la FSU, l’obtention de moyens à la hauteur des missions de l’université, avec des crédits pérennes. Il faut donc en convaincre les gouvernements successifs, en menant les batailles d’opinion nécessaires pour y parvenir. Ce qui suppose d’être nombreux⋅euses à les mener, plutôt que de ruiner individuellement notre santé en travaillant « comme des malades » à faire toujours mieux avec moins... Rejoignez-nous !


Voir en ligne : Ne vous ruinez plus la santé au travail, vous en serez puni⋅e en plus !