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COMP 2023-2025, de la chantilly au goût amer
jeudi 16 novembre 2023
Réuni le 19 octobre 2023, le Conseil d’Administration a adopté le COMP ou Contrat d’Objectifs, de Moyens et de Performance 2023-2025. Les élu-es de la liste Alternative à l’EPEX se sont abstenus. Pourquoi ?
Si l’on peut être heureux que le ministère abonde le budget de 12 millions supplémentaires [1] (sur les 17 initialement demandés), le COMP nous pose problème sur le principe.
Nous avions déjà pu faire part de notre grande fatigue face à cette énième invention de la bureaucratie managériale lors du CA du 11 mai 2023 où le projet nous avait été présenté. Nous invitions le président à porter le fer contre cette nouvelle réforme néo-managériale au sein de France Universités et le représentant du rectorat à faire remonter non seulement l’urgence d’une subvention pour charge de service public (SCSP) suffisante mais aussi un besoin de confiance mutuelle en lieu et place de cette bureaucratisation gestionnaire.
Nous n’avons jamais été adeptes de la (fausse) autonomie des universités version LRU mais, sur le principe, les contrats pluri-annuels d’objectifs et de moyens – en d’autres termes les financements à la performance - dessinent une recentralisation et un « gouvernement à distance » qui repose sur des mécanismes disciplinaires au sens foucaldien du terme – ce qu’a déjà pu montrer la science politique en matière de politique de santé ou de rénovation urbaine. On sait ce que cela a donné en matière de santé... Ce n’est pas franchement mieux pour la rénovation urbaine. Les universitaires qui ont cru – en soutenant la loi LRU en 2007 [2] – aux délices de l’autonomie des universités en seront pour leur frais.
En effet, le document du COMP, intitulé dialogue stratégique avec le MESRI expose clairement, en page 3, que le rectorat alertera le ministère en cas de difficultés rencontrées et que « des conséquences financières pourront alors en être tirées ». Idem en fin de contrat, suite au dialogue de performance avec le ministère…
Notre alerte était d’autant plus nécessaire que la ministre a laissé entendre, dans un entretien accordé à l’agence AEF [3] cet été, que le COMP ne serait à terme « plus uniquement la chantilly sur le gâteau » (autour de 0,8% de la SCSP) mais que le COMP deviendrait le contrat quinquennal.
La généralisation du financement à la performance (objectifs, jalons, indicateurs de performance), qui interviendra progressivement, a pour objectif de renforcer le pilotage en interne et l’objectivation de la performance par les chiffres.
D’ailleurs, sans discuter le détail des différents objectifs du COMP sur la transition écologique, la création d’un institut des transitions environnementales et sociales, le développement des filières d’excellence en énergie, matériaux et numérique, le bien-être étudiant ou sur les SHS comme « élément d’identité transversale » – on souligne que l’objectif 5 est entièrement consacré à la gestion et au pilotage afin de « consolider le pilotage financier, RH et numérique de l’Université de Lille ». Si dans son objectif 5.3, le COMP vise à mettre en place un environnement assurant le bien-être des personnels pour la santé au travail, avec notamment la mise en place d’une recherche-action sur la santé au travail pour 150 000 euros, les deux autres axes de l’objectif concernent le plan de retour à l’équilibre et la préparation du modèle économique de la future offre de formation.
Si vous êtes arrivé.e jusqu’au bout de la lecture de ce document, vous avez bien lu que la cible du plan de retour à l’équilibre vise une économie allant jusqu’à 19 millions d’euros en 2027 (par rapport à 2023), soit largement plus d’économies chaque année que les subventions reçues via le COMP !
Pour y parvenir, l’université devra encore investir dans du conseil stratégique pour « optimiser » l’allocations des moyens ou recruter des contractuels pour candidater à des AAP et développer des ressources propres, entretenant la précarité des agents concernés, alors que ces objectifs – s’ils sont si importants pour le ministère – mériteraient d’être financés de manière récurrente par l’attribution d’une SCSP à la hauteur des besoins, couvrant par ailleurs l’inflation et les très insuffisantes mesures salariales de 2023 censées répondre à l’inflation constatée, dites "mesures Guérini" [4].
[1] ce qui correspond à environ 0,8% de la dotation ministérielle
[2] puis en 2009, au moment de la modification du décret statutaire des enseignants-chercheurs
[3] Dépêche n° 698194, 30/08/2023
[4] que le gouvernement n’envisage pas d’ailleurs de réitérer en 2024, malgré la persistance de l’inflation...