Accueil > Nos informations sur les instances de l’université > Conseil d’administration > CA de l’EPEX Université de Lille > CA du 15/12/2022 : bilan d’un an d’EPEX

CA du 15/12/2022 : bilan d’un an d’EPEX

mercredi 11 janvier 2023

Un an d’EPEX : quel intérêt de l’expérimentation ?

En matière institutionnelle, le dernier CA a aussi été l’occasion pour le président de présenter un « rapport d’activité-bilan et perspectives » et, pour l’intersyndicale, de dresser le bilan d’un an d’établissement public expérimental. En premier lieu, nous tenons à souligner que le diagnostic sur la situation sociale de l’université est partagé (« situation sociale dégradée », « perte de sens », conditions de travail rendues difficiles par le manque de moyens humains et l’état du patrimoine, grande disparité entre les composantes). Nous notons de fait que ceux et celles qui auront placé leur espoir dans l’EPEX et l’I-Site en termes d’« excellence sociale » (sic.) en sont pour leur frais.
Les perspectives dressées à l’occasion de ce CA budgétaire ne sont guère enthousiasmantes et toutes les universités fusionnées subissent les mêmes déconvenues (voir l’article du Monde du 25 octobre 2022). Les vrais responsables de ces situations sont rue Descartes et surtout rue de Bercy.

De fait, nous avons bien noté et apprécié la reprise en main politique sur la haute administration de l’établissement, qui avait eu tendance sous le mandat précédent à sortir parfois de son rôle, et nous avons bien noté aussi l’incarnation politique impulsée depuis un an, et le travail de plaidoyer sur la situation scandaleuse de l’UDL face aux universités comparables. Mais ces tendances doivent plus aux propriétés sociales de la nouvelle équipe que des nouveaux statuts de l’UDL ou du renouvellement du label I-Site.

Notre analyse n’a pas varié de ce point de vue. Les statuts des EPEX relèvent bien d’un « leadership autoritaire », et leur mise en œuvre est synonyme de confiscation de la démocratie universitaire, eu égard au poids des membres non élus au CA, dont l’influence a été décisive dans la désignation des personnalités extérieures, et par extension de celle du président. Il faut d’ailleurs être bien accroché à sa chaise quand on lit que l’EPEX, qu’on nous avait en son temps présenté comme un emboîtement de PMJ [1], traduirait une « simplification de l’organisation » de l’université (p8). La « subsidiarité », la « comitologie », et autres « contrats d’objectifs et de moyens » dessinent concrètement un gouvernement à distance destiné à faire faire par d’autres le « dirty work » de la répartition de ressources de plus en plus réduites.

Ensuite, comme nous l’anticipions concernant les effets de l’I-Site, les objectifs stratégiques dessinent une trajectoire qui nous inquiète : l’I-site aura donc bien pour conséquence une « différentiation » interne entres les thématiques de recherche et les disciplines enseignées, alimentant en interne, comme en matière de relations internationales, une compétition qui nous paraît antinomique avec la solidarité scientifique (entre universités « premium »).

Sans grande surprise non plus, on retrouve les mots clés qui nous avait déjà alerté⋅es dans le programme d’Elan collectif et le projet I-Site en matière de formation : innovations pédagogiques qui se résument à la promotion de l’enseignement à distance, interdisciplinarité qui renvoie à la mutualisation, etc., ceci dans une optique de rationalisation budgétaire qui a le mérite d’être explicite dans le rapport.

Concernant les autres objectifs, on peine à comprendre comment la présidence parviendra à concilier « assainissement de la gestion budgétaire et RH » avec amélioration des conditions de travail, que nous ne confondons pas avec la politique dite d’« excellence sociale ». Le développement d’une culture « corporate » et la mise en place d’une école des cadres, eux-mêmes souvent victimes de burn out, pourront peut-être développer l’empathie, mieux identifier et signaler les risques psycho-sociaux, mais n’atténueront pas ce qui est en est le foyer : manque de moyens humains, précarité, turn-over, qu’on retrouve jusqu’au sein de la médecine de prévention. Si d’autres initiatives peuvent paraître plus positives, comme utiliser la CVEC pour lutter contre la précarité étudiante, améliorer l’efficacité énergétique du bâti et le mettre aux normes de sécurité, cela reste effacé par la faible prise en compte des attentes de la communauté universitaire qui n’a jamais voulu de l’EPEX et qui n’est pas désireuse de devenir un Grand Etablissement à l’issue de l’expérimentation, ce qu’un referendum permettrait d’objectiver.
Les 1063 collègues qui avaient massivement voté non au referendum organisé par le collectif Epexit en 2021 (90% des participants) l’avaient bien compris : l’expérimentation n’était bien qu’une étape vers le Grand Etablissement, ce que confirme le récent projet de Paris Sciences et Lettres d’accélérer la sortie de l’expérimentation pour devenir un Grand Etablissement. Sollicité à deux reprises sur le sujet, le président a confessé que, contrairement à ce qui avait été annoncé un moment, il n’y avait qu’une seule alternative : Grand Etablissement (dérogatoire au code de l’Education, notamment en matière de droits d’inscription pour les diplômes d’établissement), et non plus EPSCP comme l’était l’université de Lille historique. Il a toutefois assuré qu’il n’y aurait pas de sortie de l’expérimentation avant la fin de son mandat. Chacun sait désormais quel sera l’enjeu central des prochaines élections.


[1PMJ= personnalité morale et juridique, à laquelle est associée une autonomie institutionnelle (budget propre, responsabilité en justice de la direction, ...)