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Pas de recrutements = pas de rentrée !

soutien à l’appel des précaires

samedi 20 mars 2021

Ci-dessous, l’appel des précaires que le SNESUP-FSU à l’université de Lille soutient, conformément à la position adoptée au congrès national du SNESUP-FSU de 2019

Les titulaires peuvent participer individuellement à cette campagne, en remplissant ce formulaire

En effet, la part des enseignements à assurer en heures complémentaires ou vacations représente plus de 20000 postes d’enseignants-chercheurs (à comparer à un effectif de titulaires de 55000 enseignants chercheurs et 15000 enseignants de statut second degré…). Cela permet ainsi à l’État de faire baisser le coût du travail enseignant, en le rémunérant à moins de 10 € nets par heure de travail effectif (puisque 1H équivalent TD d’enseignement représente 4,2 heure de travail effectif selon le ministère lui-même… et est payée environ 41€ nets).
Titulaires commes précaires, nous avons donc toutes et tous intérêt à mener en commun ce combat contre l’abus de vacations en exigeant des créations de postes de titulaires à la hauteur des besoins réels d’enseignement, pour former les étudiant.e.s dans de bonnes conditions, ainsi que le paiement des éventuelles heures complémentaires inévitables au coût moyen de l’heure statutaire, c’est à dire 120€ nets minimum, comme le revendique le SNESUP-FSU.
Si des interventions de vacataires dit « professionnels » sont réglementairement obligatoires pour certaines formations « professionnalisantes » pour une petite partie des heures d’enseignement, le principe d’emploi de vacataires pour des apports de compétences professionnelles spécifiques est largement dévoyé à l’heure actuelle, avec bon nombre de formations ne pouvant fonctionner que grâce à des vacataires, qui assurent parfois plus des 2/3 des heures d’enseignements dispensées. Cela se fait au détriment des collègues titulaires, qui s’épuisent en devenant des « gestionnaires de précaires » et au détriment des vacataires ainsi sous-payés compte tenu de leurs qualifications, et de surcroît en situation de grande précarité dans certains cas, en particulier de doctorant·es en LLSHS. Cela permet également de ne pas répondre aux revendications salariales des titulaires. .


Pas de recrutements = pas de rentrée !

L’enseignement supérieur et la recherche sont gangrénés par une précarité structurelle. Cette précarité se manifeste à tous niveaux : dans les conditions d’études et de vie de nombreux·ses étudiant·e·s ou encore dans le manque de postes de titulaires et de financements doctoraux. Cette précarité touche également, certes plus insidieusement mais de manière de plus en plus visible, les conditions de travail des titulaires elles-mêmes : à la nécessité de répondre à des appels à projets pour espérer ne serait-ce que réaliser le travail de recherche pour lequel on a été recruté·e, s’ajoutent la réalisation, en raison du manque de postes, d’heures de cours complémentaires, ou encore des tâches administratives comme le recrutement des vacataires qui finissent de consommer les heures que l’on pouvait dédier à la recherche...

Incertitude quant à la possibilité même d’aller au bout de ses études, des projets intellectuels et académiques pour lesquels on investit énormément d’énergie et du travail, et dans lesquels on s’engage, trop souvent au prix de sa santé, insatisfaction chronique liée à cette incertitude et report des charges les plus ingrates ou difficiles sur d’autres, plus précaires et dominé·es encore… L’enseignement supérieur et la recherche publics français vont mal.

L’annonce de la LPPR et du nouveau seuil de précarisation qu’elle allait conduire à franchir auront de ce point de vue au moins permis à une grande partie de la communauté universitaire de faire savoir clairement que de cette précarité, elle n’en voulait plus, elle n’en pouvait plus. Plus récemment, un ensemble de titulaires ont fait savoir qu’elles et ils n’en pouvaient plus notamment de contribuer elles/eux-mêmes à la gestion et même au maintien, voire à l’aggravation de cette précarité : recruter des vacataires, c’est également contribuer à la maltraitance institutionnalisée des précaires, et plus fondamentalement encore, c’est continuer à faire vivre ce système de vacations qui attaque les précaires et se substitue à des postes de titulaires dont l’ESR a cruellement besoin. Il en va de même des heures de cours complémentaires assurées pour « faire tourner les formations » : si l’on assure des heures complémentaires, comment l’institution peut-elle se sentir contrainte d’ouvrir des postes ? Le spectacle qu’offre chaque jour la précarité de l’ESR et cette conscience d’alimenter, par ses pratiques ordinaires, la précarité qui gangrène l’institution, est source de souffrance pour de nombreux.ses collègues :

  • « La précarité est devenue tellement endémique. C’est désespérant. Tous ces jeunes brillants qui s’usent par des charges énormes et mal rémunérées et à qui ont fait miroiter un hypothétique poste. » (une MCF en histoire, réponse au questionnaire « Les pratiques ordinaires des titulaires de l’ESR », janvier 2021)
  • « La clochardisation organisée de l’ESR est insupportable. Le décalage entre valeur des candidat.e.s et niveau de compétition rend les choses absurdes, inhumaines, injustes et se faisant au détriment de tous. » (un MCF en science politique, réponse au questionnaire « Les pratiques ordinaires des titulaires de l’ESR », janvier 2021)
  • « La précarité atteint des niveaux scandaleux et est pour une bonne part dans mon mal-être de titulaire (qui est en fait DRH d’une armée de précaires maltraités par l’institution). » (une MCF en arts, réponse au questionnaire « Les pratiques ordinaires des titulaires de l’ESR », janvier 2021)
  • « Cette précarité est inadmissible, écoeurante, et [...] elle régit malheureusement tout le fonctionnement de l’Université. C’est toujours à contre-coeur que j’ai accepté de proposer à quelques amis docteurs et sans poste des vacations dans mon université, pour sauver des TD qui sinon fermeraient (alors que les autres TD sont déjà plus que surchargés). Je me sens prise au piège de ce fonctionnement. » (une MCF en lettres, réponse au questionnaire « Les pratiques ordinaires des titulaires de l’ESR », janvier 2021)
  • « La souffrance des non-titulaires est aujourd’hui alarmante, que ce soit du point de vue de leur situation actuelle ou des perspectives futures. Il est important de prendre également en compte la souffrance au travail ressentie par de nombreux.ses titulaires qui, du fait du sous-financement de l’enseignement supérieur, se retrouvent à "maltraiter" à leur tour des non-titulaires pour faire tourner des diplômes, sous la pression de directions et de présidences désormais "autonomes". » (une MCF en sciences de l’information de la communication/sociologie, réponse au questionnaire « Les pratiques ordinaires des titulaires de l’ESR », janvier 2021)
  • « Je suis contre le mouvement de précarisation de l’ESR, tout en étant "forcée" d’y participer en tant que responsable d’une licence puisque je suis amenée à recruter des vacataires pour des enseignements. » (une MCF en sociologie, réponse au questionnaire « Les pratiques ordinaires des titulaires de l’ESR », janvier 2021)
  • « [La précarité] est un sujet qui me préoccupe beaucoup, et me place dans une position ambigüe : en tant qu’enseignante-chercheuse, je trouve inacceptable que les formations reposent en large part sur le recours aux vacations (70 % des cours assurés sous cette forme dans la licence de mon département) ; en tant que responsable de licence, je recrute des doctorant·es et docteur·es pour des charges de cours. » (une MCF en arts, réponse au questionnaire « Les pratiques ordinaires des titulaires de l’ESR », janvier 2021)
  • « L’écart entre les intentions et la réalité est considérable malheureusement ; personne ne va dire qu’il est "pour" la précarisation des enseignants-chercheurs, et pourtant la plupart y contribue. » (un·e MCF en sociologie, réponse au questionnaire « Échanges des titulaires anonymes : et vous, que diriez-vous ? », janvier 2021)

La question est alors de savoir comment l’on peut commencer à sortir de cette précarité. Nous appelons les titulaires de l’ESR à refuser d’assurer des heures de cours complémentaires à la rentrée et/ou refuser de recruter des vacataires, de manière à faire pression sur le ministère et obtenir des postes de titulaires et des financements doctoraux (plus nombreux et plus longs) à la hauteur des besoins d’enseignement dans l’enseignement supérieur public.

Parallèlement, de manière à ne pas fragiliser les enseignant.e.s vacataires qui dépendent très fortement de ces vacations pour vivre, nous lançons un appel pour les soutenir financièrement sur 6 mois, et recueillerons dans ce cadre les promesses de dons.

Les collègues titulaires se résignent le plus souvent à assurer des heures complémentaires et à recruter des vacataires, ne pouvant, à leur niveau, individuellement, isolément, faire autrement. Il peut en être cependant tout autrement si un mouvement s’organise à l’échelle nationale.

Nous lançons un appel pour que les titulaires s’engagent à mener une action commune et organisée. Des collègues ont déjà répondu à l’appel, rejoignez-les ! Nous compatibilisons, dans un premier temps, les personnes prêt·e·s à cet acte de résistance.

Vous pouvez participer individuellement à cette campagne, en remplissant ce formulaire

Votre organisation (collectif, syndicat, association) veut soutenir la démarche ? Écrivez à l’adresse suivante : recrutementsrentree@gmail.com

Cet appel ne concerne pas les personnels BIATOSS, IT, et personnels des bibliothèques. Nous invitons cependant ces derniers à lancer une campagne similaire pour mettre fin aux vacations et CDD administratifs et techniques honteux auxquels recourt sans vergogne et de manière massive l’enseignement supérieur et la recherche publics, tout en accablant de travail les titulaires.