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RIPEC : petit bilan et perspectives à ULille

vendredi 9 juin 2023

Le RIPEC, c’est quoi ?

Pour rappel, le régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (RIPEC) a été instauré par la Loi de programmation de la recherche de 2020, loi qui a parallèlement contribué à la destruction des statuts des personnels enseignants et chercheurs avec la remise en cause du CNU et la démultiplication des emplois contractuels (chaires de professeur·es juniors, CDI de mission, contrats de recherche de droit privé…).
Le RIPEC est composé de trois volets : une indemnité statutaire que perçoivent l’ensemble des collègues enseignant·es-chercheur·es titulaires (C1), une indemnité liée à l’exercice de certaines fonctions (C2) et une indemnité individuelle, « liée à la qualité des activités et à l’engagement professionnel des agents » (C3).

Notre analyse du dispositif

Le SNESup-FSU s’est opposé à la mise en place du RIPEC au niveau national :
 les personnels enseignants du premier et du second degré ainsi que les personnels non titulaires sont exclu·es du dispositif : à l’université de Lille, cela représente plus de 900 agents (sans compter les collègues vacataires), soit un tiers environ des personnels enseignants ;
 le RIPEC augmente le poids des primes dans la rémunération alors que les salaires, eux, n’ont quasiment pas bougé (gel du point d’indice) ;
 l’introduction d’une part individualisée (C3), pour laquelle il est nécessaire de candidater, accroît la concurrence entre collègues et participe à dégrader l’ambiance et les conditions de travail ; à l’université de Lille, sur les près de 1850 collègues éligibles, 424 ont candidaté en 2022 et 214 se sont vu·es attribuer la part C3 du RIPEC ;
 l’attribution se fait par le Président : l’avis des instances collégiales (conseil académique de l’université et CNU) n’est que consultatif et le CODIR de l’université peut intervenir, ce qui fait peser un risque de clientélisme.

Nationalement, le SNESup-FSU agit, à court terme, pour le maintien des prérogatives du CNU et pour des primes égales pour toutes et tous ainsi que, à moyen terme, pour une intégration de celles-ci au traitement indiciaire.

Nous avons relayé ces revendications localement, tout en veillant à ce que la procédure d’attribution de la part C3 du RIPEC soit la moins inégalitaire et la plus transparente possible. Il ne s’agit en rien d’émettre un jugement sur les candidatures ou non de collègues au RIPEC : certain·es ont souhaité faire reconnaître un engagement dans des tâches qui dépassent bien souvent le cadre (notamment horaire) de leurs missions alors que d’autres ont refusé de souscrire à un dispositif qui accroît la concurrence entre collègues [1].

La procédure pour le RIPEC C3 à ULille

Pour la part individuelle (C3) du RIPEC, l’université de Lille a procédé à une double évaluation des candidatures à la prime sur Galaxie. L’avis du conseil académique restreint repose sur 2 rapports : celui d’un·e élu·e d’un domaine (et donc d’une composante), différents du candidat et celui d’un membre du même domaine issu d’un vivier d’experts constitué par l’Université suite à un appel par voie de courriel [2]. À partir de 2023, la ou le second rapporteur·ice sera issu·e du conseil de la composante des candidat·es. Les rapporteur·ices ne peuvent être candidat·es au RIPEC C3. S’ajoute à cet avis local celui du CNU. Le Président prend ensuite les décisions d’attribution à partir des avis et d’une discussion en CODIR. L’algorithme ayant permis de sélectionner les candidat.es n’est pas encore mis à disposition des élu.es.
La prime a été fixée à 3500 euros. Au final, 28 % des primes ont été attribuées au titre des activités pédagogiques et 72 % au titre des activités scientifiques.

Un dispositif inégalitaire ?

Les premiers chiffres de la campagne 2022 nous permettent de mettre à l’épreuve l’idée d’un dispositif inégalitaire. En apparence, le dispositif n’accroît pas les inégalités de genre puisque, si les hommes obtiennent 55 % des primes, ils représentaient 59 % des candidat·es et 60 % des bénéficiaires potentiel·les [3]. Il ne semble donc pas y avoir de phénomène d’autocensure genré à l’échelle de l’université.
La répartition entre les primes attribuées aux professeur·es des universités et aux maître·sses de conférences est cependant plus inquiétante. Alors que les MCF représentent 69 % des bénéficiaires potentiel·les et 71 % des candidat·es, ils et elles ne représentent que 60 % des bénéficiaires effectif·ves du RIPEC C3. Or, les MCF sont bien plus souvent des femmes (45 %) que les professeur·es (31 %). La revendication, portée localement par nos élu·es en conseil académique, de favoriser plutôt les dossiers de jeunes collègues n’a pas été entendue. Le fait que les jeunes collègues, voire les jeunes collègues femmes, soient désavantagé·es par le dispositif pose question alors que l’université affirme, dans ses lignes de gestion, vouloir respecter le ratio MCF/PR entre les bénéficiaires potentiel·les et effectif·ves [4].

Les personnels premier et second degré, pas totalement exclu·es

L’université de Lille a décidé, via un dispositif adhoc, d’octroyer 20 primes identiques au RIPEC C3 à partir de la campagne 2023. S’il s’agit d’une reconnaissance du travail de certain·es collègues, la philosophie du dispositif est toujours aussi problématique, d’autant que le nombre de primes est très faible. Ces 20 primes représentent en effet moins de 10 % des primes accordées aux enseignant·es-chercheur·es titulaires alors que le ratio entre les personnels premier et second degré et les enseignant·es-chercheur·es titulaires est de 22 % à l’Université de Lille. Rappelons enfin que les personnels contractuel·les, qui se retrouvent de plus en plus à assurer des responsabilités collectives, sont toujours exclu·es du dispositif.


Voir en ligne : Le RIPEC, un régime indemnitaire qui augmente les inégalités


[1Plusieurs collègues, syndiqué·es ou non, ont candidaté pour ensuite reverser l’éventuelle prime à des causes collectives, en particulier dans le cadre du mouvement social en cours contre la réforme des retraites.

[2Cela a conduit à des évaluations par des collègues de disciplines parfois très éloignées.

[3Les chiffres pour le vivier potentiel ont été obtenues à partir des listes électorales au CSA.

[4Nous ne commentons pas les chiffres par secteur disciplinaire : il ne s’agit en effet pas ici d’alimenter une concurrence stérile entre disciplines, mais de relever d’éventuelles inégalités liées à l’âge ou au genre.