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Comment se calcule la retenue sur traitement pour faits de grève ?

vendredi 3 février 2023

Lorsqu’elle est appliquée dans la fonction publique d’État, la retenue est d’un trentième du traitement mensuel pour fait de grève à une date donnée, et ceci, quelle que soit la durée réelle de l’arrêt de travail (ou la nature des fonctions non assurées) ce jour là (que ce soit 1h, une demi-journée ou toute la journée, ce qui n’est pas le cas dans les autres fonctions publiques, ni pour les salarié⋅es du secteur privé en général ) [1] Ceci vaut donc aussi pour des enseignants en grève sur la journée, quel que soit le nombre d’heures de cours qui étaient à faire ce jour-là.
La FSU dénonce cette disposition visant à limiter le droit de grève des agents de l’État.
En effet, ce n’est pas, en droit, la grève par elle-même qui fonde un retrait sur traitement, mais le service non fait sans justification recevable. Il se trouve cependant que, si la grève est un droit constitutionnel, elle ne constitue pas, pour autant, une justification recevable du service non fait…

Notons que pour les EC, dont les obligations statutaires comprennent la recherche et l’enseignement, dès que des services d’enseignement n’ont pas été assurés le jour de la grève, le retrait sur traitement reste légal comme l’a confirmé le Conseil d’État, même si l’activité de recherche a bien été effectuée. [2]

Cette comptabilisation par jour de grève s’articule difficilement avec l’annualisation des services des enseignant⋅es-chercheur⋅euses et enseignant⋅es. De là découlent des questions récurrentes, auxquelles aucun texte réglementaire, ni même aucune circulaire, ne répond… Petite revue dans cet article de ces questions et des réponses qu’y donne le SNESUP-FSU.

En cas de retenue, quel est le montant qui sera prélevé ?

Le retrait comprend un trentième de la rémunération mensuelle, définie comme incluant le traitement proprement dit, l’indemnité de résidence et les primes (ramenées à un équivalent moyen mensuel). En sont exclus les remboursements de frais et les avantages sociaux et prestations sociales : supplément familial de traitement, indemnité de logement, prestations familiales.
Pour les agents à temps partiel cette assiette est établie au prorata selon les mêmes règles que leur traitement.
Les retenues pour fait de grève ne peuvent pas rendre le salaire versé inférieur à un minimum
Les retenues ne peuvent excéder la « quotité disponible » restant après le calcul de la fraction saisissable, régie par les articles L3252-1 à L3252-13 et R3252-1 à R3252-10 du Code du travail. Voir ici pour le détail de ce calcul.
La circulaire de 2003 préconise d’avertir les agent⋅es concerné⋅es au plus tôt et donne comme délai maximum pour opérer les retenues la fin du deuxième mois qui suit le début du conflit.

Est-il possible de se voir pénaliser de plus de trentièmes que de jours de grève effectifs ?

Une jurisprudence ancienne du conseil d’État (dite « arrêt Omont »), datant de 1978 [3], permet, si elle est appliquée, de sanctionner de plus que deux trentièmes un⋅e agent⋅e qui serait gréviste sur deux journées d’appel à la grève séparées par des journées sans appel à la grève ou sans obligation de présence au poste pour lui/elle. Par exemple, en cas de grève un vendredi, grève le lundi suivant et pas d’obligation de présence au poste le samedi ni le dimanche, cela permet, si l’employeur décide de l’appliquer (ce qui n’est pas une obligation [4]), de retirer quatre trentièmes du salaire (soit le double de ce qui peut être prélevé dans le cas de deux jours de grève consécutifs).

Pour rendre l’application de cet arrêt plus difficile lorsque deux jours de grève sont non consécutifs mais que vous n’aviez pas de présence au poste obligatoire entre deux, vous devez garder des traces du fait que vous avez accompli des obligations statutaires durant la journée sans grève (mails professionnels envoyés, par exemple). Cela permet de contester une éventuelle application de cet arrêt qui pourrait être faite dans l’établissement.

Et bien sûr, les sections syndicales locales doivent peser pour que l’administration de l’établissement n’utilise pas cette jurisprudence.


Voir en ligne : Caisse de grève des personnels de l’université de Lille


[1Disposition aussi connue sous la dénomination de « trentième indivisible » ou amendement Lamassoure (loi du 30 juillet 1987). Le Conseil Constitutionnel (décision n° 87-230 du 28 juillet 1987) a estimé conforme à la Constitution cette règle du trentième indivisible en cas de grève dans les administrations de l’État et dans les établissements publics de l’État à caractère administratif. Dans les deux autres versants de la fonction publique, hospitalière et territoriale, le retrait sur traitement est proportionnel à la durée du service non fait, comme c’est le cas en droit privé du travail.

[2Conseil d’État 13 juin 1980, Bonjean c/ Université scientifique et médicale de Grenoble, requête N°17995

[3Conseil d’État 7 juillet 1978, Omont c/ Université Paris VII, requête N°03918

[4L’arrêt Omont a été abondamment utilisé par le ministère de l’Éducation nationale pour sanctionner financièrement des enseignant⋅es lors du grand mouvement de grève de 2003 contre la réforme des retraites, afin de décourager le plus possible les enseignant⋅es, nombreux⋅euses dans le mouvement, de faire grève. Mais il ne l’a pas été dans d’autres ministères.