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CFVU des 6, 7, 8 et 9 avril 2020

Plan de Continuité Pédagogique - Contribution des élu.e.s FSU à la CFVU des 6, 7, 8 et 9 avril 2020

vendredi 10 avril 2020

La FSU salue l’implication des collègues de l’Université de Lille pour assurer une « continuité pédagogique » qui est « admirable et force le respect », ainsi que l’a souligné le Président Camart le 23 mars.
En préambule, la FSU souligne que le Comité Technique aurait dû être consulté avant la CFVU sur le Plan de Continuité Pédagogique (PCP), dès lors que ce PCP bouleverse l’organisation de l’établissement et les conditions de travail des enseignant.e.s et des agents administratifs de scolarité. Elle mentionne que ce PCP n’est pas un arrêté, contrairement à ce qui est mentionné en page 7 du document.
La situation actuelle nécessite bien entendu la mise en oeuvre de mesures exceptionnelles. Cependant, la FSU désapprouve le contenu du PCP et en particulier les propositions qu’il contient en matière d’organisation des évaluations. Elle tient à faire respecter deux principes remis en cause dans le PCP : la liberté pédagogique des enseignants (article 57 de la Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur), qui découle du principe d’indépendance des universitaires, et l’égalité de traitement entre tous les étudiant.e.s. Par ailleurs, la FSU rappelle à la Présidence que la mise en place du PCP nécessite de sa part un engagement écrit confirmant que tous les vacataires verront leurs rémunérations prévisionnelles maintenues et versées dans les délais initialement prévus. Ces trois points seront développés dans cette contribution.
En premier lieu, la FSU mentionne que les prescriptions du PCP relatives à l’organisation des enseignements à distance et des évaluations ne doivent être ni limitatives, ni obligatoires. Les enseignant.e.s sont les seuls à pouvoir adapter les contenus et les évaluations en fonction du contexte de confinement des étudiant.e.s mais également du leur. Il est insupportable de voir circuler des messages demandant aux collègues de compter leurs heures, de fournir des preuves de leurs activités ou d’utiliser tel ou tel outil (outil parfois propriétaire). Il est également inacceptable que le PCP rende possible le maintien d’une activité pédagogique pendant tout ou une partie de l’interruption pédagogique du 13/04 matin au 24/04 avril au soir (page 3). Les étudiant.e.s et les enseignant.e.s ont besoin de cette interruption pédagogique pour se reposer suite à la mise en place de cette « continuité pédagogique » qui devrait plutôt être qualifiée de "discontinuité ou rupture pédagogique". La mise en place d’un enseignement à distance est très chronophage pour les enseignants et occasionne certainement une surcharge de travail pour les étudiant.e.s. La situation incertaine et anxiogène que nous vivons rend le travail pédagogique des enseignant.e.s et les apprentissages des étudiant.e.s pénibles voire dans certains cas impossibles.
En second lieu, les propositions du PCP en matière de « continuité pédagogique » et d’organisation des évaluations ne respectent pas le principe d’égalité de traitement des étudiant.e.s. Nous rappelons l’ampleur de la précarité étudiante et l’existence d’une fracture numérique. Nombre d’étudiant.e.s ne sont pas en mesure d’accéder, à des horaires fixes ou pas, à un poste informatique équipé d’une connexion internet, d’un casque et d’une webcam et installé dans une pièce isolée. Et même s’il.elle.s le sont, il.elle.s ne sont pas forcément préparé.e.s, ni disposé.e.s à subir un enseignement à distance.
Le PCP évoque dans une note de bas de page (page 10) un nombre marginal d’étudiant.e.s (10%) qui seraient concernés par des difficultés d’accès aux outils numériques. Cette affirmation est abusive dans la mesure où le chiffre cité, tiré du numéro 30 de mars 2020 « Études et enquêtes » de l’ODiF, est issu d’une enquête en ligne à laquelle seulement 16% des étudiant.e.s avaient répondu. Elle n’est pas non plus pertinente car la situation de confinement de nos étudiant.e.s n’est en rien comparable à leur situation entre le 1er février et le 21 avril 2019, période pendant laquelle l’enquête avait été réalisée.
La promesse d’une consultation lancée par l’ODiF le 26/03 auprès des étudiant.e.s pour identifier les étudiants n’ayant pas d’équipement informatique ou des équipements informatiques insuffisants nous paraît irréaliste et limitative. En effet, cette enquête réalisée en ligne ne permettra pas, non seulement d’identifier les étudiant.e.s « non connectés » ou leurs profils, mais en plus nous pensons que le taux de réponse sera de nouveau faible, compte tenu de la situation vécue par les étudiant.e.s qui ont des priorités plus importantes que celles de répondre à cette enquête. Outre la possession des équipements informatiques (ordinateur, webcam, micro, casque, imprimante, scanner, appareil photo, logiciels de bureautique et spécifiques à certaines formations...) nécessaires pour suivre un enseignement distanciel, nous voudrions savoir si cette nouvelle enquête questionne les étudiant.e.s sur les conditions concrètes d’accès à ces équipements : possibilité de s’isoler pour travailler, poste informatique non partagé entre plusieurs personnes, accès à un poste informatique possible tout au long de la journée, connexion Internet stable à toute heure et avec un débit suffisant...
Nous déplorons que le PCP néglige la situation des étudiant.e.s touché.e.s par le COVID19 (ou par d’autres maladies) qui, même équipé.e.s, ne peuvent étudier, de même que celle des étudiant.e.s chez qui le confinement crée ou aggrave une situation anxiogène et de détresse psychologique (stress, fatigue émotionnelle, insomnie, dépression). De plus, certains étudiants peuvent avoir des pertes de revenus qui entraînent un problème d’alimentation, une augmentation des heures de leur travail en tant que salarié (exemple des supermarchés), une dégradation des conditions de vie et de logement (fratrie, promiscuité, exiguïté). Une faible disponibilité psychologique est aussi présente chez certain.e.s de nos collègues ayant contracté le COVID19 ou ayant connu le décès d’un proche, victime du COVID19.
Pour ces raisons, nous considérons que le fait que le PCP autorise l’organisation de cours synchrones (page 4) est problématique et est en désaccord avec un courriel adressé aux enseignant.e.s le 31/03 par la DGSI et ayant pour sujet « Pour la mise en place de la continuité pédagogique », dont un extrait est repris ci-dessous.
« Les étudiants ne bénéficient pas systématiquement d’équipement numérique et/ou de connexion réseau de qualité, la sobriété numérique de vos pratiques pédagogiques est donc essentielle :
− Privilégiez le texte à l’image et le son à la vidéo.
− Les activités à distance asynchrones sont souvent aussi efficaces, voire plus efficaces que des activités à distance synchrones.
− Le mail, le téléphone et Moodle sont des outils efficaces et sobres.
− Nextcloud permet le partage de documents de manière économe (seules les
personnes intéressées téléchargent le document). »
En outre, la sollicitation simultanée des outils numériques et plateformes par un grand nombre d’étudiant.e.s risque de multiplier les problèmes techniques.
Le PCP indique (page 13) que « la prise en compte des besoins des publics spécifiques (au sens de l’article 12 du Cadre national des formations), dont les étudiants en situation de handicap, les étudiants salariés, les parents de famille... reste en vigueur » mais n’indique pas comment les aides proposées à ces publics spécifiques (par exemple preneur de notes, secrétaire d’examen, octroi d’un tiers- temps pour les étudiant.e.s en situation de handicap,) peuvent être adaptées dans le cas d’enseignements à distance et d’évaluations à distance.
Le PCP mentionne (page 13) que « les étudiants n’ayant pas un matériel informatique suffisant et les étudiants réquisitionnés pendant la période de confinement pour la continuité sanitaire (étudiants en médecine, pharmacie, odontologie) ou pour la continuité d’activité (étudiants travaillant dans le commerce alimentaire, etc.) doivent pouvoir disposer de mesures de substitution au retour de la période de confinement ». Si la mise à disposition des contenus d’enseignement à ces populations d’étudiant.e.s ne pose pas de problème, l’organisation d’apprentissages intensifs et la mise en place d’évaluation de substitution nous semblent inacceptables car elles ne respecteraient pas l’égalité de traitement des étudiant.e.s : l’apprentissage demande du temps et les modalités d’évaluation seraient nécessairement différentes de celles proposées aux autres étudiant.e.s et peuvent ne pas être aussi bienveillantes.
Afin de garantir l’égalité de traitement des étudiant.e.s, la FSU considère aussi que les évaluations ne doivent pas concerner des contenus qui n’ont pas été abordés en présentiel, contrairement à ce que mentionne le PCP (page 11) qui n’écarte pas une évaluation sur des contenus dispensés en distanciel pendant la période de fermeture de l’université.
Pour des raisons de protection des données personnelles, la FSU s’oppose à toute évaluation en télésurveillance des étudiant.e.s, d’autant que ce mode d’évaluation nécessite une dépense supplémentaire pour tous les étudiant.e.s (achat d’une webcam, en plus du matériel informatique exigé). Le travail de mise en place d’une télésurveillance à domicile engendre un traitement de données à caractère personnel et doit donc être établi conjointement avec le délégué à la protection des données personnelles de l’établissement et dans le respect des contraintes de RGPD. Même si le RGPD est respecté, la télésurveillance pose des problèmes : intrusion au domicile privé ; impossibilité d’isolement de l’étudiant dans une pièce ; conditions de passage très dépendantes du matériel, de la connexion et de l’environnement familial quand bien même un examen blanc serait prévu pour tenter de résoudre les problèmes. Enfin, la télésurveillance a un coût conséquent puisqu’elle requiert le recours à un opérateur privé (Managexam pour l’Université de Lille).
Pour terminer, la FSU s’étonne de l’absence d’indication d’une date limite pour informer les étudiant.e.s des modifications concernant les modalités d’évaluation. Pourtant le PCP mentionne en page 10 : « En particulier, le Conseil d’État estime que les modifications de contrôle des connaissances doivent garantir l’existence d’« un délai raisonnable pour que l’étudiant puisse s’adapter à cette modification ».
Tous ces éléments conduisent la FSU à considérer que, même dans la moins problématique des hypothèses envisagées, à savoir l’organisation d’évaluations asynchrones ne portant que sur des contenus dispensé en présentiel avant le 15 mars 2020, l’égalité de traitement des étudiant.e.s ne sera pas assurée, ce qui fait peser un risque de recours entièrement fondé contre les évaluations organisées.
En troisième lieu, la FSU rappelle à la Présidence que le bon déroulement des activités pédagogiques et administratives ne sera possible que si l’ensemble des personnels est rémunéré, ce qui comprend également l’ensemble des vacataires. La FSU regrette que l’Université n’ait pas démenti la version actualisée du vade-mecum de la DGESIP qui prône le non-paiement des chargés d’enseignement vacataires (CEV). La FSU exige un engagement immédiat sur le maintien des rémunérations et des délais de paiement pour tous les vacataires, ce qui inclut les CEV, les IO/INT (intervenants occasionnels, statut qui n’existe qu’à Université de Lille et qui n’est pas réglementé nationalement) et les vacataires étudiants travaillant moins de 12 h. Nous insistons sur ce point car la rémunération des IO et les vacataires étudiants est parfois leur unique source de revenu.
Les élu.e.s FSU de la CFVU de l’Université de Lille


Voir en ligne : Voir aussi le complément de contribution de la FSU sur ce sujet