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Projet de loi "Guérini"

Saccager les statuts, pour rendre la Fonction publique attractive, vraiment ?

jeudi 18 avril 2024

La spécificité des services publics est de satisfaire des demandes des usager·es, dans leur diversité, et de les aider si besoin à résoudre les problèmes qui sont les leurs. Au contraire des prestataires privés, qui vendent des solutions toutes faites en nombre limité. Cette spécificité nécessite une réglementation spécifique, qui garantisse l’indépendance des agent·es et leur droit à refuser des ordres illégaux. Le statut permet aux agent·es d’agir dans l’intérêt des usager·es, alors que les entreprises privées ont pour but le profit, y compris au détriment de la qualité du service fourni aux client·es, dont certain·es sont parfois absolument sans défense. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler le scandale des EHPAD ORPEA dévoilé en 2022 par Victor Castanet dans l’ouvrage « Les fossoyeurs », ou celui des crèches privées, décrit dans l’ouvrage « Le prix du berceau », de Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse, paru en 2023 : les deux montrent clairement que la recherche de rentabilité amène à la maltraitance des enfants ou personnes âgées dépendantes. 

C’est pourquoi à la FSU nous sommes attaché⋅es au statut de fonctionnaire qui, contrairement à ce qui se dit communément, ne rend pas les agent·es intouchables et inamovibles. Le statut actuel comporte suffisamment de dispositions pour ne pas garder en poste des agent·es insuffisants ou inaptes, contre l’intérêt du service. Elles sont régulièrement utilisées, mais cela demande un courage et une rigueur dans les démarches de la part de la hiérarchie qui n’est pas toujours au rendez-vous... Les procédures prévoient également la possibilité de reclassement dans d’autres postes en cas d’inaptitude et des possibilités de contestation, qui garantissent aux agent·es de ne pas être victimes de « purges » liées à des considérations personnelles ou politiques, masquées derrière des motifs mensongers. Est-ce inutile ?

Pourtant, dans un contexte où la totalité des agent·es de la Fonction publique sont en situation de décrochage salarial, où les conditions de travail se dégradent dans tous les services publics, et où les candidat·es aux métiers de la Fonction publique manquent de plus en plus, le ministre de la Fonction publique a confirmé le 8 avril lors d’une réunion avec les syndicats qu’il n’a rien de plus pressé que de donner des "leviers managériaux" supplémentaires aux hiérarchies locales, pour agir sur le déroulement des carrières des agent·es, au prétexte de mieux reconnaître ce qu’il qualifie de « mérite » de quelques un·es. Pourtant, l’expérience syndicale montre que le mérite est plus que difficile à cerner et surtout, que les critères en sont mouvants...

Le ministre annonce également vouloir élargir les outils statutaires pour traiter de l’insuffisance professionnelle, comme si c’était un problème massif, et montre ainsi clairement qu’il s’agit de développer une politique de la (toute petite) carotte et du bâton (surtout du bâton !) et de la division des personnels entre eux plutôt que de reconnaître l’engagement de toutes et tous.

Le ministre refuse tout bilan sérieux des mesures de la loi de transformation de la Fonction publique de 2019 qui se sont confirmées désastreuses pour les droits des agent·es et pour leur traitement équitable. 
La FSU, comme les autres organisations syndicales, a rappelé qu’elle n’était pas demandeuse d’une nouvelle loi et a demandé un desserrement du calendrier pour que les véritables sujets statutaires, à même de répondre aux enjeux de la période soient enfin mis sur la table. S’il y a une insuffisance à traiter, c’est celle de l’augmentation du point d’indice !

Il y a en effet urgence à engager des discussions sur la revalorisation des carrières et des rémunérations pour reconnaître les agent·es, sur la manière de renforcer les collectifs professionnels, à renouer avec le respect des identités et conditions d’exercice des métiers, à redonner du sens aux missions de service public partout où elles sont malmenées par certaines politiques publiques, à doter les services et collectivités en moyens pour les assumer… 

Pourtant, à peine passée la réunion de présentation des axes du nouveau projet de loi de saccage du statut qu’il fomente, voilà que le ministre Guérini lance dans le débat médiatique la question du « licenciement » qui serait, selon lui, « un tabou » ! Diantre, ça faisait longtemps ! Et ça manquait dans le chapelet de poncifs et autres totems managériaux déjà égrenés dans le document de présentation du projet de réforme !

Aucun doute que les candidat⋅es vont se précipiter à l’avenir pour venir bénéficier des délices d’un management à la hussarde et de rémunérations à la « tête du client », mais (toujours) indigentes pour la plupart des agent⋅es, faute de volonté politique pour augmenter les moyens de l’Etat et payer dignement les fonctionnaires et contractuel·les !