Accueil > Dossiers thématiques > Budgets universitaires et austérité budgétaire de l’État > Du quoi qu’il en coûte à l’austérité permanente

Du quoi qu’il en coûte à l’austérité permanente

les nouvelles règles de gouvernance économique européenne qui nous empoisonnent

jeudi 18 avril 2024

Après le « quoi qu’il en coûte » qui a suivi l’acmé de l’épidémie de Covid-19 – et qui a alimenté des transferts monétaires massifs vers le secteur privé - est désormais venu le temps de l’austérité 2.0. Suspendu en 2020, le pacte de stabilité et de croissance – dont la suspension avait été prolongé jusqu’en 2024 avec la crise énergétique – devrait être modifié en vertu de l’accord institutionnel des 9 et 10 février 2024 soumis au vote du Parlement européen le 22 avril prochain. 
Même si les indicateurs retenus à travers les critères de convergence n’ont guère de consistance économique [1], les seuils de 3% et de 60% du PIB annuel pour le déficit public annuel et la dette sont reconduits par un nouvel accord en passe d’être adopté le 22 avril 2024 par le Parlement européen. Les nouvelles règles assouplissent la procédure pour déficit excessif, en supprimant la règle des 1/20e [2].

Mais ne nous réjouissons pas trop vite puisque les calendriers de réduction de la dette sont, eux, maintenus ! Les États membres qui ne respectent pas les limites convenues devront désormais suivre des « trajectoires de référence » — des plans d’ajustement structurel personnalisés établis par la Commission européenne — détaillant la marche à suivre pour se conformer aux règles budgétaires sur une période de quatre ans (ou, dans certains cas, de sept ans). Ces plans imposeront toujours aux États membres dont le ratio dette publique/PIB annuel est supérieur à 90 %, en particulier la France, avec une dette de 112% au 3e trimestre 2023, de réduire leur dette d’un point de pourcentage par an en moyenne, et aux pays de l’UE dont le niveau d’endettement se situe entre 60 % et 90 % de leur PIB annuel de réduire leur ratio d’endettement de 0,5 point de pourcentage par an en moyenne.

Pire, tous les Etats-membres devront poursuivre l’ajustement de leur déficit jusqu’à atteindre un « coussin de sécurité » de 1,5% du PIB afin de pouvoir faire face, plus tard, aux chocs éventuels sans dépasser les sacro-saints 3%.

Ces seuils - politiques - des 3% et 60%, ces calendriers d’ajustement et ces clauses de sauvegarde arbitraires dessinent un enfer ordolibéral qui cadenasse durablement les budgets des Etats membres, rend compliquées toutes politiques sociales redistributives d’envergure et empêchent d’investir massivement tant dans des services publics décimés par des décennies de réduction de la « masse salariale » que dans la transition écologique. Ce d’autant plus que la part des budgets consacrés à la défense va croissant avec la montée du bellicisme aux quatre coins du globe.

Bref, réduire la dette par la réduction de la dette plutôt que par la croissance et l’investissement, tel est le chemin suivi par les décideurs européens – 100 milliards d’euros au cours de la première année d’application des nouvelles règles – et appliqué sans plus attendre par Bruno Le Maire en France. 

Une étudelire en intégralité ici), commandée par la Confédération européenne des syndicats à la New Economics Foundation montre qu’à peine 3 Etats membres sur 27 seraient en mesure d’honorer les engagements pris par l’Union Européenne elle-même pour répondre aux besoins des citoyens en santé, éducation, logement et les objectifs climatiques. Comme l’avance la Secrétaire générale de la CES, Esther Lynch : « Tout cela est fait pour fixer des limites arbitraires exigées au nom de doctrines économiques dépassées. L’UE a besoin de règles économiques en accord avec ses politiques sociales et climatiques. Ces limites imposées aux États membres ne doivent pas être approuvées ». [3]

C’est pourquoi, il est important de faire pression sur les dirigeants des pays européens, pour les obliger à prendre l’argent nécessaire là où il s’est accumulé de manière indécente depuis plus d’une décennie.

Pour cela, 3 pétitions que la FSU vous invite à signer massivement et à diffuser autour de vous : 

  • Pétition du Collectif Taxons la spéculation : La petite taxe (0,1%) proposée depuis 2011 par la Commission européenne (mais toujours pas mise en place, en raison du blocage de la France...), rapporterait chaque année jusqu’à 57 milliards d’euros. : https://taxonslaspeculation.com/
  • Initiative citoyenne européenne Tax the rich (https://www.tax-the-rich.eu/), en vue d’obliger la commission européenne à se saisir de la proposition d’un impôt européen sur les grandes fortunes  pour financer la transition climatique et sociale et aider les pays victimes des dérèglements climatiques. Il faut pour cela plus d’un million de signatures avant le 9 octobre 2024

[1On pourra aller lire les pages consacrées à la légende des 3% inventée sur un coin de table dans l’excellente bande dessinée documentaire Le Choix du chômage de Benoît Collombat et Damien Cuvillier, Futuropolis, 2021.

[2Si la dette publique d’un État dépassait 60 % de son PIB, le pays en question devait réduire chaque année son ratio dette/PIB d’au moins 1/20e de la différence entre son ratio dette/PIB actuel et l’objectif de 60 %.